vendredi 4 novembre 2011

Vote électronique : de l’isoloir à l’isolement


 
Témoignage d'un collègue sur le vote électronique. Son ressenti rejoint exactement notre analyse. 
 
"Nous voici appelés à voter pour les élections professionnelles 2011 … mais appelés de bien étrange façon. Nous avons reçu pléthore de courriels de la DGRH, et aussi une « notice de vote » décrivant une procédure propre à décourager le plus volontaire des électeurs. Il faut, pour voter, avoir un identifiant de vote, se munir de son NUMEN, puis demander en ligne un nouveau mot de passe …

 
Ce qui est ici en jeu, au-delà des résultats du scrutin, c’est la disparition du vote comme rite social impliquant un passage dans l’isoloir. Or, on l’a un peu oublié, ce rite social est une conquête républicaine majeure. L’isoloir fut imposé par la loi électorale du 29 juillet 1913 comme un rempart contre les pressions et les intimidations exercées sur l’électeur, les tentatives de corruption, le vote communautaire placé sous le strict contrôle du maire ou du curé. L’isoloir, c’est à la fois le signe d’une appartenance sociale – je me déplace pour voter car je suis membre d’une communauté politique – et d’une liberté personnelle chèrement acquise.
Le vote électronique, c’est la perte de ce signe. En supprimant l’isoloir, on favorise l’isolement. Sous couvert de modernité, chaque électeur est renvoyé au face à face solitaire avec son ordinateur. Le risque n’est plus qu’il subisse des pressions, mais qu’il perde progressivement son sentiment d’appartenance à une communauté, et voit son univers de travail réduit aux dimensions d’un écran et aux relations hiérarchiques.

Refuser le vote électronique, ce n’est pas faire preuve de passéisme. Réclamer l’isoloir, c’est cultiver une mémoire républicaine dont nos inconséquentes élites déplorent l’évaporation ; c’est aussi dire sa conviction qu’il n’y a pas de société possible sans ces rites collectifs qui rendent possible la rencontre."